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  • mardi 29 janvier 2013

    Les Marais de Brière


    Au sud de mon pays, par-delà la frontière sud de la Bretagne, s'étend une autre terre. Anciennement rassemblées, désormais soeurs séparées par des limites, elles n'ont jamais cessé de se côtoyer. Même si un panneau vous indique le contraire, vous savez lorsque vous entrez en Loire-Atlantique ( région des Pays de la Loire ) qu'une influence celte survit en cet endroit. 

    Finistère, Côtes d'Armor, Morbihan, Ile-et-Vilaine, au sud la Loire Atlantique


    Je ne parle pas seulement des landes, des forêts et des plaines, vertes et infinies comme les plus belles forêts bretonnes, ni des maisons aux toits de chaume, qui dorment encore au coeur de maints villages de Plouarzel à Pénestin... Un bout de celtie semble n'avoir jamais quitté les vastes étendues de la Brière, recouvertes à demi par des marais exceptionnels d'où émane une atmosphère mystérieuse et insaisissable. 

    les marais embrumés

    Imaginez-vous une route goudronnée étroite, qui dessine ses méandres parmi des prairies recouvertes d'eau, là, seules les branches des arbres s'élèvent au-dessus de la surface, leurs troncs sont noyés dans cette sorte de mangrove locale. Parfois, des buttes de terre apparaissent en superficie et forment de petits sentiers inattendus posés sur l'eau, qui disparaissent lorsque la terre n'est plus assez haute.



                                          

    Des ajoncs aux épines mordantes jalonnent les routes et poussent sur les mottes d'herbes sèches, jaunies par le temps. Elles parsèment librement ces espaces détrempés, forment parfois des carrés alignés : repères naturels pour les créatures du petit peuple... l'autoroute du Korrigan, que l'on imagine très bien avoir pour monture une grenouille ou un mulot.


                                          
         illustration par Jean-Baptiste Monge


    Puis, au détour de la route, en passant par-dessus de petits ponts inopinés, vous apercevez des canaux où attendent des barques à fond plats, appelées chalands. Les plus grandes barques, sur lesquelles une voile peut-être montée « la trinquette » sont nommées les blins. On y charge les matières denses, utilisées par les habitants des marais : la tourbe, le sable, le fumier etc... La tradition a quelque peu dépéri, mais on se plait à penser que ce lieu est resté hors du temps, que les hommes aux visages burinés par le labeur rapportent la tourbe noire chargée à fond de chalands.



              
    Les barques semblent figées en ce mois de janvier, gris et pluvieux. En passant un autre pont, vous en surprenez une, entièrement remplie d'eau, dont seule la silhouette se devine à l'extérieur. 





    Sur les berges, et un peu partout dans les marécages, des roselières abritent des campagnols amphibies, des mésanges à moustache, des butors étoilés et autres busards des marais. Un monde entier se cache des frimas de la saison sombre, fourmille discrètement à notre insu. Vous ne pouvez qu'imaginer la multitude d'être vivants grouillants sur ces terres inondées, de même que la destination où l'une de ces barques vous emmènerait. Qui y a – t- il au bout de ce canal qui tourne et s'enfonce parmi les hautes herbes ?

     
                           


    Peut-être est-ce l'île de Fédrun ! Ce village entouré par une voie d'eau est bordé de nombreux canots. Pourtant, il est placé au sein du Parc Naturel régional de Brière, perdu dans une mosaïque émeraude. 

     
                             
                                                        Île de Fédrun par Anthony Penel


    Là-bas, chaque maison est positionnée afin de créer un "cercle", cercle qui suit ce canal qui serpente en rond. Les jardinets sont en partie grignotés par les flots : les cabanons ressemblent alors à de piètres cabanes hantées situées près de l'onde. Chacun a son accès privé au canal. 


                            


    Les maisons aux toits de chaume paraissent sans âge, certaines tombent en ruine, rongées par le lierre et ornées de mousse. Parfois, en continuant votre ronde sur la route de l'île vous découvrez des chaumines si petites qu'elles semblent avoir été construites pour Hansel et Gretel. 




         
    Chaumière par Capvera

    Les rideaux sont fermés. Portes et fenêtres en bois s'affaissent, se délabrent sous l'atmosphère épaisse du marécage. Il est étrange et presque angoissant de ne croiser personne à cette période de l'année. Personne. Absolument personne. Vous cherchez, mais l'unique forme que vous percevez est celle de tas de roseaux qui sèchent sur l'herbe jaune... Ces drôles de chapeaux attestent de l'activité artisanale qu'est le travail du chaume dans la région.


    roseaux au séchage par Benitez Jose


    Les habitants des marais ont une réputation singulière : les briérons comme on les appelle, seraient des hommes forts, durs à la tâche, aux visages marqués par la pauvreté et bien d'autres maux que nous ne pouvons que trop bien imaginer. Bien que ces idées semblent avoir survécu jusqu'à nos jours, elles renvoient à une époque reculée. Cela n'empêche pas que l'autarcie continue probablement à faire des briérons d'habiles et solides compagnons (blague à part pour les esprits mal placés !). 



    calèche en Brière

    Dans une certaine mesure, on peut penser que le sang des chouans a irrigué les marais autant que l'eau, mais qu'il n'a pas pour autant cessé de couler dans les veines de leurs descendants, disséminés dans la région.


                            
    Chouans par Charles Fortin


    Ici, l'isolement est presque absolu. Sur la route, aucun poteau électrique. Au-delà d'un sentiment lugubre, cet endroit respire le calme. L'immobilité. Ici, le temps semble être suspendu, le village inerte, loin de toute civilisation mécanique.
    Les marécages sont un refuge, une forteresse végétale : dangereuse pour ses ennemis qui se perdent au milieu d'hectares d'eau et de vase, mais salutaire pour ceux qui arrivent à en comprendre l'organisation. 


      


    La Brière ne m'a pas encore révélé tous ses secrets. Je sais que au printemps, les îles se transforment, renaissent. Les fleurs s'épanouissent, la faune s'aventure sous la douce brise d'été. Voilà de bonnes raisons d' y retourner ! 


    village de Kerhinet 

                            

    1 commentaire:

    1. Voilà que je redécouvre la Loire-Atlantique ! Merci pour ce joli voyage !!
      Avel

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